Mamadou Djouldé Baldé, Ben Bangouran, Aguibou Diallo, Aliou Diallo, Pathé Diallo, Mamy Kaba, Ousmane Kouyaté, Diakité Laye, Sarah Mekdjian, Marie Moreau, et Saâ Raphaël Moudekeno sont co-auteurs des œuvres immatérielles processuelles et infinies du Bureau des dépositions. Leur travail s’articule autour d’exercices de justice spéculative.
Le Bureau des dépositions est un collectif grenoblois qui produit un ensemble d’œuvres immatérielles co-écrites. Les performances réalisées interrogent le droit, la légalité et la justice autour de la question des politiques migratoires.
Le cœur de la création réside en la notion de co-dépendance entre les auteur.e.s : le groupe doit être au complet pour pouvoir représenter ses œuvres.
Plusieurs personnes en situation irrégulière font partie du Bureau des dépositions, ce qui engendre une œuvre en perpétuelle évolution, au fil des parcours personnels de chacun.e.
Alors, quand plusieurs de ses membres font l’objet de procédures d’expulsion du territoire, le Bureau des dépositions questionne la justice. La co-dépendance étant revendiquée comme une condition sine qua non de l’œuvre, les procédures d’expulsion génèrent une dénaturation de l’œuvre, et portent atteinte à son intégrité.
Or, le droit français protège les auteur.e.s (qu’ils aient la nationalité française, le droit de séjour ou non), notamment par ce qui est nommé dans le code de la propriété intellectuelle (article L. 121-1) « le droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre ». Cela signifie qu’un.e auteur.e peut s’opposer à tout élément susceptible de porter atteinte à sa création.
Puisque les œuvres sont co-écrites, chacun.e des auteur.e.s peut revendiquer ce droit.
Puisque les expulsions concernent des co-auteurs ayant signé une clause de co-dépendance, l’œuvre est, de fait, dénaturée, transformée et son intégrité n’est plus respectée.
Alors, le droit d’auteur n’est pas respecté.
Alors, la procédure d’expulsion n’est pas conforme au droit de la propriété intellectuelle.
Alors le droit n’est pas conforme au droit.
A travers le prisme de la préfecture, on voit un étranger. Si l’on chausse les lunettes du droit de la propriété intellectuelle, on voit un auteur. Cette tension illustre les limites du droit, certes, mais aussi une possibilité qui peut permettre un renouvellement du pouvoir d’agir. Par la création artistique, la question est posée aux institutions, et à tous.
Pour aller plus loin :
Plaidoirie pour une jurisprudence : Olive Martin, Patrick Bernier, Sylvia Preuss-Laussinotte, Sébastien Canevet. Le Bureau des dépositions fait écho au travail de ces performeur.e.s et avocat.e.s qui ont mis en exergue cette possibilité du droit d’auteur contre le droit des étrangers (création écrite en 2007 aux Laboratoires d’Aubervilliers).
Valentine Canut