Dans une forêt assez dense, accompagné d’un enfant, je suis visiblement à la recherche d’un autre gamin, qui se serait perdu dans les fourrés et qu’on ne cesse d’appeler à tue-tête. Ça dure des plombes. Découragé, je finis par abandonner la recherche et seul, je me pose à même le sol, au pied d’un chêne, avant de m’assoupir à moitié. C’est alors qu’une créature ronronnante et qui s’agglutine contre mon pied me sort de ma torpeur. Attendri, presque amusé, je pense instinctivement qu’il doit s’agir d’un chat mais en ouvrant les yeux, je découvre un énorme lapin difforme, sans oreille aucune, tombé manifestement sous le charme de mon pied. Il s’y frotte et le renifle de manière insistante.
Et comme une évidence, je réalise qu’auparavant dans les fourrés, c’était en fait ce lapin que nous recherchions, et non pas un enfant.
Au même moment, à quelques mètres de l’endroit où je me suis assoupi, j’aperçois une femme qui a dû s’allonger elle aussi sous un chêne et qui se réveille à son tour. En y regardant de plus près, je vois qu’il lui manque la jambe gauche, juste en dessous du genou. Pas de sang, ni de plaie apparente, c’est coupé assez net, mais je distingue quelques petites traces de découpe, comme celles laissées par un castor sur un tronc d’arbre.
Sensation d’effroi soudain en réalisant que ce doit être l’œuvre du lapin bizarre qui s’acharne alors toujours sur mon pied au même instant.
Olivier Jorrot