L’histoire de la physique a souvent été une histoire d’horizon ; non seulement l’horizon de nos connaissances, qu’il s’agit depuis toujours de repousser, mais aussi les différents horizons « physiques » que notre curiosité a croisés.
Le premier de ces horizons est tout simplement l’horizon où la terre – ou la mer – et le ciel se rejoignent. Pour un humain de taille moyenne se situant au bord de l’océan avec les pieds dans l’eau et regardant vers le large celui-ci se situe à environ 4,5 kilomètres. C’est à partir des observations de navires disparaissant petit à petit à l’horizon que depuis très longtemps les humains ont déduit quelle était la forme de la Terre. Il n’en fallu pas beaucoup plus pour que, il y a de cela plus de 2200 ans, Eratosthène se mette en tête de mesurer la circonférence de la Terre. Il la mesura de façon ingénieuse à l’aide de deux bâtons, d’un chamelier et d’un petit peu de trigonométrie et obtint ~ 39 400 kilomètres, à comparer aux mesures actuelles qui établissent ~ 40 000 kilomètres (l’incertitude la plus grande restant l’unité de mesure utilisée par Eratosthène). Un succès extraordinaire qui, s’il ne permit pas aux Grecs de faire le tour de la Terre, leur donna une bonne idée de la taille de notre planète.
Déjà bien avant Eratosthène, les êtres humains se demandaient quelle était la taille du plus petit objet existant et la taille de l’Univers : deux frontières – ou horizons de nos connaissances – autrement plus compliqués à percer à jour que l’horizon terrestre.
Les Grecs nommèrent atomes, c’est-à-dire « insécable » en grec ancien, les constituants élémentaires de la matière et cette dénomination nous est restée. Étant donné que l’on a depuis découvert des éléments plus élémentaires que les atomes, leur définition actuelle a légèrement changé. Les atomes sont donc aujourd’hui définis comme étant la plus petite partie d’un corps simple pouvant se combiner chimiquement avec un autre. Donc un atome d’oxygène se combinera par exemple avec deux atomes d’hydrogène pour donner une molécule d’eau (H2O). On sait aujourd’hui que les atomes sont constitués d’un noyau, lui-même composé de protons et de neutrons (eux-même constitués de quarks !), et d’électrons. Ces découvertes ont permis de repousser l’horizon de l’infiniment petit jusqu’au millionième de milliardième de mètres (10-15, la taille d’un noyau atomique !), ce qui en un sens représente notre horizon actuel vers l’infiniment petit.
La taille de l’Univers est également une question qui passionné les physiciens et qui n’a pas encore de réponse définitive. Notre horizon, en ce qui concerne les observations lointaines, est limité par la distance qu’a pu parcourir la lumière depuis le « Big Bang ». Néanmoins, un autre horizon est apparu récemment dans nos observations, beaucoup plus proche de nous, l’horizon des événements d’un trou noir. Cette frontière marque la limite au-delà de laquelle une particule sans masse (comme un photon par exemple) ne peut plus s’échapper de l’attraction gravitationnelle provoquée par un trou noir. Si pour nous, observateurs extérieurs, cet horizon délimite la zone irrémédiablement noire du trou noir de la zone d’où la lumière peut nous parvenir, cette surface – ou frontière – ne présente en réalité aucun aspect particulier par rapport à son espace environnant. Un peu comme notre horizon terrestre en quelque sorte.
En tout état de cause, s’intéresser aux différents horizons de la physique est depuis longtemps un puissant moyen de bâtir de nouvelles théories et par là même, irrémédiablement, de bâtir un nouvel horizon de la connaissance, seulement un peu plus éloigné que le précédent. Mais au final toujours si dérisoirement proche de nous et de notre réalité !
Daniel Kerszberg