Point de vue

L’horizon étant la limite circulaire de la vue, pour un observateur qui en est le centre, elle constitue, de par sa définition première, le point de vue de chacun. Le sens de l’observation guide la pensée de l’homme depuis qu’il est capable d’ouvrir les yeux. Le fonctionnement même de la vue est analytique, le cerveau reçoit l’information visuelle et interprète une multitude de paramètres en un instant par le mouvement, la luminosité, les couleurs, les formes, la profondeur et tant d’autres choses, innombrables comme inconscientes.       

Ce mécanisme immédiat et constant qui enregistre tout, du bout de notre nez jusqu’à ce fameux horizon, rend bien compte de la complexité de l’interprétation de notre cerveau face à cette vision, qui pourrait paraître simple.

Mais qui en un éclair, se doit d’éclaircir une tempête d’informations. Il serait également difficile de dénombrer les différents facteurs environnants qui conditionnent cette interprétation chez chacun ; qu’il s’agisse d’éducation, de développement personnel, d’époque ou de culture, on peut imaginer facilement que de nombreux paramètres indiquent un jugement ou une vision différente sur chaque chose aussi simple qu’elle soit. On parle ici (pour l’instant) de la vue au sens strict.

L’important n’est pas de décrypter cette horlogerie incessante, mais de comprendre qu’une vision quelconque, que la vue de chaque chose, objet ou couleur est propre à chacun et nous sépare autant qu’elle nous définit en tant qu’individu. A partir de ce constat, autant évident qu’arbitraire, on comprend que l’homme, sans l’avis éclairé et poussé de son interlocuteur, ne peut s’entendre sur la vision des choses simples ; alors comment pourrait-il tomber d’accord sur une réflexion intérieure et complexe ? Qu’il s’agisse d’art, de politique, d’expression des émotions ou de pensées multiples, comment pourrait-on comprendre l’autre lorsque notre vision sur nos propres visages, sur le lieu où nous sommes lors de cette rencontre et sur tout ce qui nous entoure n’est pas la même ?

Rebâtir l’horizon, notre point de vue et notre jugement sur les choses, serait une manière d’accepter la complexité de l’être humain et sa capacité de réflexion, d’accepter le fonctionnement interne incessant et inconcevable de toute personne, et de s’en détacher pour peut-être approcher une compréhension sincère de l’autre. Mais il me semble qu’il faille aller plus loin pour se détacher de la différence inhérente à l’individu, c’est pourquoi je me propose de vous exposer une piste qui a beaucoup aidé mon humble intériorité dans sa quête d’identité. Il s’agit de l’émerveillement devant la simplicité de toute chose. Il me semble important d’accepter la différence de vision au sens strict, mais tout aussi important de concevoir la beauté de cette même vision. Je suis persuadé que toute personne peut s’accorder sur la splendeur de ces mêmes choses simples sur lesquelles on ne pourra jamais poser le même regard. 

Je m’explique : accepter la différence mais admettre le charme inconditionnel de la nature humaine et de son intériorité, tout autant que de reconnaître la finesse évidente du monde qui nous entoure. Rien ne vaut des exemples, alors en voici un simple ; je ne pourrais jamais me lasser d’un beau paysage, d’un coucher de soleil ou d’un ciel étoilé. Je suis persuadé d’avoir ma propre vision sur chacun de ces spectacles, mais il est évident que je partage un sentiment de plénitude face à cela avec bien plus de gens que je ne le conçois.

J’espère avoir pu étaler ici une partie de ma pensée de manière compréhensive même si encore une fois nous sommes si complexes qu’il s’agit pour moi d’un effort énorme de l’écrire. Je vous laisse avec un texte, « balade sous les étoiles », que j’ai écrit durant ce confinement et qui finalement fait sens par rapport à cette réflexion.


Balade sous les étoiles

Cassiopée comme un repère, elle n’indique ni Sud ni Ouest mais je ne peux me perdre, je la trouverai toujours, même cachée par un quelconque nuage quasi opaque.

Pourquoi ce besoin de la voir, de la reconnaître dans des cieux parisiens pollués comme dans ceux où la voie lactée occupe l’entièreté du champ que notre œil nous permet de percevoir.

Pourquoi ces astres lumineux captent inlassablement mon attention, comme une connaissance régulière et inspirante dont le reflet ne cesse d’éveiller mes idées.

Je ne peux trouver meilleur apaisement que l’émerveillement devant la simplicité d’un point dans le ciel, et je ne peux tirer de cette expérience qu’une profonde humilité.

La particule de lumière qui vient frapper ma rétine est partie de ce corps céleste en un temps où l’homme ne pouvait s’imaginer ce qu’il deviendra, mais  pouvait déjà lever la tête, regarder ces étoiles et les comprendre autant que moi.

Si je ne peux juger moi-même de la taille de cette étincelle et ne peut comprendre la distance à laquelle elle se trouve de mon simple point de vue, c’est que mon être, aussi complexe qu’il le laisse croire, n’est finalement qu’infiniment petit dans l’inconsidérablement grand.

Je ne suis qu’un grain de sable dans un univers sableux et si j’aime cette étoile, alors j’aime tout autre être qui peut l’observer.

Gabriel Ducaroir