Il n’y a pas à Paris d’architecture plus éphémère que ces maisons de fortune. Un coup de vent, un coup de pluie, parfois même un coup de pied auront raison de ces abris faits de misère, de récup, de débrouille mais surtout d’instinct. Celui de survivre « au sec », « au chaud », à l’abri des regards, un jour de plus, une nuit encore. Garder une trace photographique de ces murs de cartons, c’est peut-être les rendre un peu plus solides, un peu plus durables, un peu plus visibles, voire culpabilisants.
Georges Eugène Haussmann, Hector Guimard, Jean Nouvel et d’autres encore, le Paris des avenues a eu ses grands architectes, le Paris des recoins a ses archis pauvres.
1. Avenue de L’Opéra 75001 Paris 2. Boulevard Haussmann 75009 Paris 3. Place Django Reinhardt 75018 Paris 4. Boulevard de la Villette 75010 Paris 5. Rue Vauvenargue 75018 6. Boulevard Sérurier 75019 Paris 7. Boulevard de la Chapelle 75010 Paris 8. Rue des Ecluses Saint Martin 75010 Paris 9. Rue des Colonnes 75002 Paris 10. Boulevard de la Chapelle 75010 Paris 11. Rue Mayran 75009 Paris
« How was your dream ? » is a documentary photographic project realized during the Hong Kong protests between June and October 2019. This work deals with new forms of demonstration and insurrection in our post-contemporary era dominated by seamless control societies. The title refers to the turn of phrase used by the demonstrators to securely evoke their demonstration experiences.
Even if this theme, which I have been developing for several years, requires me to take part in a certain number of manifestations and social events, my artistic practice tends to get rid of the codes of photojournalism that usually comes along the classic representation of news. My goal is to search and explore a timeless, symbolic aesthetic that apprehends reality through the correspondences and echoes of a multiplicity of singular images.
Five years ago the « umbrella movement » was quickly repressed by state and police violence. In 2019 the democratic uprising that began in May gave itself the means to continue. Faced with a sophisticated arsenal of control (facial recognition, geolocation, carding, eavesdropping, infiltration, water cannons, tear gas, helicopter, sonic weapons, non-lethal rifles), the Hong Kong demonstrators have developed a repertoire of techniques based on principles of invisibility and intraceability (anonymity, lasers of blindness, pocket of faraday, vision by drones, masks of all kinds, encrypted communication etc…), allowing them to mitigate the effects of the repression.
These new devices, which contribute to the transformation of the forms of struggle and resistance, however, push for the gradual erasure of individual singularities. In the future, will societies and sophisticated systems of control, force us to make our human singularities disappear? Will this be done in favor of a new common identity ?
Au centre du dôme de haricots grimpants, je suis à quatre pattes, le bras droit plongé au travers du feuillage, doigts tendus vers le rouge d’une grappe de tomates cerises que j’entraperçois dans les tiges inextricablement enlacées des deux espèces sur lesquelles grimpe une troisième dont les fruits pesants ont fait s’affaisser la structure de bambou installée en début d’été lorsque les petits plans de cucurbitacées développaient à peine leurs ramifications.
Je retiens la bascule de mon corps par le bras gauche dont la main est enfoncée dans la terre, à côté du panier bariolé de tout ce que je viens de cueillir alentour sans bouger de mes deux genoux pivotant sur la terre à l’ombre de mon tipi végétal, dans le même temps que par intermittences j’arrache des mottes de chiendent, extirpant soigneusement racines et rhizomes pour limiter leur invasion, n’ayant de cesse de réduire mes trois cercles de cultures du bout du jardin, peaux de chagrin de mon labeur en concurrence avec le naturel sauvage rustique, coriace et envahissant avec son ordre propre… qui m’échappe, mais que j’observe pour tenter de m’y immiscer dans le changement et le foisonnement. C’est du même détricotage qu’il s’agit avec toutes les adventices des allées vertes entre mes planches de culture, je les maintiens à la demande de mes trois filles qui aiment marcher ou courir pieds nus sur cet épais tapis voire s’y allonger, mais en contrepartie il faut sans cesse freiner l’envahissement des surfaces de culture.
La main reconnaît presque dans le même temps que l’œil les indésirables du jour et de l’endroit, de la saison ou de mes humeurs compte tenu que tout cela n’a de cesse de fluctuer au fil des ans, des lectures, des avis et expériences auxquels s’ajoutent les découvertes, surprises et émerveillements : je laisse ce que j’enlevai et inversement ou je le déplace. J’essaie de convertir mes concurrentes en alliées : mettre la mélisse, la bourrache, les violettes et le plantain en bordure des planches cultivées pour freiner l’invasion des trèfles, pissenlits, renoncule, mauve, chiendent ou potentille arrivant par les chemins. Ces chemins que je tonds pour en récupérer la matière répandue une fois séchée autour des plants ou entre les semis pour ralentir l’évaporation, adoucir la pénétration de la pluie et limiter la lumière faisant lever les indésirables.
J’apprends à co-cultiver, entre-planter, semi-cueillir afin de laisser croître et s’épanouir tout ce, ainsi que se nourrir et se reproduire ceux, qui se déploient dans cet espace duquel il faut appréhender les vraiment trois dimensions.
En-deçà de la surface, il y a toutes les profondeurs de la terre, comme au-delà du légume convoité pour l’assiette il y a toute sa suite souvent méconnue: son cycle naturel vers le ciel, la hauteur par les fleurs visitées pour fructifier et retomber en graines, s’enfoncer, profiter de la dormance puis se fixer par la gravité, les racines vers le centre, coeur de la terre en attendant que la chaleur permette la re levée.
Les chicorées sont trop amères à mon goût mais je les laisse se resemer pour le magnifique bleu de leurs fleurs qui se referment totalement en soirée, si bien qu’au début je les cherchais pensant m’être trompée d’allée, quant aux laitues et arroches rouge, je secoue les plantes en fin de cycle ou les couche à terre, tout revient ainsi au printemps à la même place ou ailleurs avec toutes les éventualités du déplacement (insectes, vent, oiseau, mes semelles ou coups de râteau, etc.). Quelques choux montés en graines se ressèment au hasard et procurent de jeunes feuilles précieuses en tout début du printemps, elles reviennent également sur les troncs de ceux qui ont été coupés, idem pour les poirées ; les racines restent ensuite à la terre ; leur porosité l’ameublit. Enlever et bousculer le moins possible devient ma prime devise. A ce propos, le végétal est propice à éprouver la volonté ; il ne se plaît ou ne se cantonne pas toujours là où il est projeté. Petite lutte avec les planifications, idées appliquées ou préconçues et c’est alors que nos maigres plans échoués sont contrebalancés de surprises et de débauches explosives en laissant se déployer le sous-jacent qui s’agence, se quinconce et s’enchevêtre en intelligente et prospère broderie végétale. Le premier réflexe du visiteur est souvent de nommer ce qu’il reconnaît, cherchant des images, des idées, des conceptions d’ordre, d’alignements, et de netteté… comme s’il était plus rassurant de pouvoir savoir où est quoi, puis de s’étonner de ce qui est là, mais n’a rien à faire dans l’assiette ou l’estomac, quelque peu perturbé que les oignons ne soient pas en rang et les poireaux alignés comme des soldats… .dubitation.
Mes allées et venues dans le potager sont pluri-actions, multi-déplacements : de mon corps et d’outils, de réceptacles de cueillettes, pots ou sachets de semis, arrosoirs… J’ai toujours les mains pleines, j’en ai toujours plein les mains et j’ai aussi l’impression d’en avoir plein. Mes poches leurs suppléent quand ce n’est mon tee-shirt dont je retiens la lisière du bas avec les dents pour mieux le remplir des deux mains de fraises, cassis, mûres, groseilles, pourpier, roquette, oseille, basilic, fèves, petits pois et pois gourmands… ou ma chemise que je charge d’oeillets d’Inde, tomates cerise, haricots verts, beurre ou noirs et noue en baluchon pour le retour. C’est dans un va-et-vient comme hors de mon contrôle que vont mes mains, plus vite que j’ai loisir d’aller chercher cagette, panier, barquette… telle la bousculade des mots en écriture ; les idées ou tournures se présentent plus vite que le temps pour les transcrire. Cet étoilement en rebonds incessants requiert de la concentration dont il faut apprendre à gérer le débordement et les priorités.
Je me retiens de plus en plus d’intervenir après avoir longuement combattu mes réflexes ; il en va de la culture d’un jardin comme de l’éducation des enfants pour l’adoption de toutes les nuances de la douceur ou de la fermeté, de la souplesse ou rigueur ; adoption des cadres et contraintes… de l’éveil au dressage… il nous appartient de nous extirper de ce qui nous maille mais n’est pas de nos côtes propres, épreuve incontournable du déconditionnement pour acter en accord profond avec la globalité de soi.
Mes mouvements sont une sorte chorégraphie tout azimut avec changements d’actions, de directions, d’accessoires et de tenues selon l’heure et l’agitation. Souvent je débute en pull et foulard autour du cou, me découvre au fil des tâches et de la montée du soleil ; le fichu monte en turban et l’été je termine en culotte et débardeur.
Cette « potagistique » s’est imposée comme une démarche irréversible, un engagement dont la mise en branle me tire et m’attire sans cesse vers de nouvelles découvertes et expériences ; une autre compréhension du végétal, plus globale que les 600m² de mon jardin qui comporte d’ailleurs beaucoup d’alentours associés. Au printemps j’entretiens un long talus en pente dans son prolongement sur lequel poussent des orties dont la tête des jeunes pousses constituent les soupes dépuratives et reminéralisantes à la sortie de l’hiver. Après plusieurs semaines de cueillaison, je coupe les plantes entières que je mets à fermenter dans plusieurs tonneaux pour les futurs purins traitant ou fertilisant. Au bord de la rivière coulant en-dessous, il y a plusieurs zones de prêle, séchée elle fait une merveilleuse décoction contre les atteintes cryptogamiques. J’utilise alternativement les tiges montantes des deux massifs de consoude pour fabriquer des purins fortifiants ou pailler des plans.
Les multiples cercles d’absinthe en pourtour de jardin jouent en répulsif comme un certain nombre d’aromatiques dont les fortes senteurs découragent les ravageurs ; elles forment une sorte de mini-haie protectrice et alimentent généreusement mes tisanes, sirops et pots d’épices : origan, sauge, mélisse, menthes, estragon de Russie, thym rampant, romarin, hysope, sarriette, etc. Une multitude de fleurs s’y insèrent : oeillets de poète, dahlias, centaurées, cosmos, zinnias, petits chrysanthèmes, pois de senteurs et giroflées. Au printemps la couleur débute par des zones de violettes, pissenlits, coquelicots, lupins multi-teintes et nigelles de Damas blanches et bleues. Au cours de l’été s’y étagent les tagètes, capucines, camomille matricaire, calendula à foison, tournesols des jardins dont les oiseaux picorent les graines du cœur… J’installe les haricots à rames en deux dômes et trois tipis, leurs floraisons s’étalent jusqu’à l’automne et compose des bouquets géants de fleurs rouges, orangées et blanches selon les variétés jusqu’aux gousses sèches s’exposant en grappes avant les premières gelées. Il m’est maintenant difficile de ne pas poursuivre ce qui a été laborieusement mis en place ; les contraintes pressantes se révèlent parfois oppressantes, esclavageantes, mais elles me basculent aussi par propulsion. Comme dans tous les domaines, le subtil équilibre n’a de cesse de s’établir, s’inventer en permanence puis s’écrouler pour contredire. Les tâches à accomplir m’absorbent et me transforment par l’action, elles me transportent à des pensées insoupçonnées, me meuvent à l’indéfinissable, hors des mots ; un état d’être indescriptible dans lequel le sentiment de survivance apaise profondément.
Cette sauvageté tranquille lutte parfois contre les déferlements de paroles météorologiques, pressions calendaires, planifications lunaires, dictons et tirades savamment répétées depuis des générations ; litanies contre les incertitudes végétales reléguées au climat pour mieux masquer notre ignorance des merveilleux stratagèmes du règne végétal.
Les deux lignes de framboisiers se sont considérablement épaissies et forment aujourd’hui deux larges massifs ; outre la circulation moins aisée pour cueillir les baies, les plans sont ainsi moins incommodés par les fortes chaleurs. Ce sont à l’origine des plantes de sous-bois, leur ombre maintient l’humidité plus longtemps et ralentit la poussée des herbes à leur pied.
Le noisetier et les arbres de l’environnement proche procurent une ombre bénéfique lors des canicules mais minimisent l’ensoleillement aux intersaisons ; les racines de l’acacia gigantesque à proximité fixent l’azote mais absorbent aussi eau et nutriments… décisions et choix continuels en mélange de bon sens et de connaissance font croître mon envie de comprendre ce qui est en jeu et attise ma curiosité mutant en passion. Mêler de nombreuses espèces de fleurs et disperser la même variété de légume en plusieurs lieux a fait disparaître les invasions. En limitant la taille, voire en m’en abstenant, j’ai constaté la vigueur des ramifications qui sous le poids des fruits multiples se renforcent, trouvent les compagnes sur qui grimper, avec qui s’enchevêtrer tant à l’air libre que sous terre pour échanger les complémentarités et se développer parfois exponentiellement.
J’ai beaucoup de difficulté à couper et ne peux presque plus arracher ; pour récolter poireaux et salades, je tranche le coeur un peu au-dessus de la touffe racinaire pour laisser en place les circulations souterraines et j’en suis le plus souvent remerciée par de nouvelles feuilles. Je déteste attacher les tomates à un piquet, je préfère leur bricoler des supports pour aller à leur guise, si haricots ou gros plants d’oeillets d’Inde ne leur sont pas assez proches pour aller s’y étaler. J’essaie de bousculer le moins possible le sol qui accueille mes semis et plantations ; en contrepartie il laisse revenir ceux à qui j’ai laissé l’opportunité d’accomplir leur cycle et de façon précoce inégalable. En toute fin d’hiver, reviennent des tapis pourpres de fines pousses d’arroche ainsi que des moquettes de laitues naissantes. Maintes fois j’ai remarqué que les plans spontanés sont plus robustes, moins demandeurs d’eau : autonomes. La fabuleuse roquette traverse les saisons, résiste au gel, se redresse après la neige et se ressème à perpétuité si on la laisse fleurir çà et là.
La pratique du potager a des incidences sur les choix culinaires imposant parfois ses recettes selon l’abondance et les saisons. Elle apprend la modestie et favorise la confiance en ses intuitions ; comme pour le respect avec l’enfant depuis son plus jeune âge, le sol qui accueille mes gestes possède une intégrité antérieure à mon intervention. Le jardin aide à moduler la projection des désirs ; jamais rien n’est acquis, stable ou définitif ; tout accomplissement bascule lors de son apogée, mouvement sempiternel où l’équilibre est furtif, insaisissable.
Continuum des cycles incessants avec leurs variations hors contrôle tel le processus en boucles de notre propre vie… je reconnais mes antagonismes dans ces zones touffues et prospères côtoyant soudain des espaces arides, délaissés à l’image de mes heures de repli silencieux, basculant soudain en déblatérations inarrêtables… prétexte de m’en stopper là pour aujourd’hui… bien qu’il y ait encore tous mes ceux-là dont je n’ai pas parlé : groseille à maquereau, pommier, plaqueminier, physalis, rhubarbe, verveine citronnée, coriandre, aneth, persil, ciboulette, petit pavot blanc, euphorbe neige des montagnes, hélianthis dont les tiges creuses imputrescibles sont un précieux paillage d’hiver pour faire des huttes sur les gros légumes encore en terre, feuille de chêne rouge, mâche, topinambour, raifort d’Ardèche pour la lacto-fermentation, panais, fenouil, radis, navet, céleris et céleris rave, bette à couper, bette à cardes rouges, bette à cardes blanches, quelque brocoli et choux de Bruxelles, mes préférés le chou kale vert ou violet, le chou rouge et celui de Milan, potimarron, potiron bleu de Hongrie, courge musquée butternut et sucrine du Berry, courgette, aubergine (sans beaucoup de succès), piment, poivron, concombre, haricot nain et grimpant pour la chair ou les grains, les wagons de tomates roma, cornue des Andes, saint-Pierre, coeur de bœuf… et selon les années, dons ou humeurs comme pour les carottes, betteraves, radis, poireaux de solaise ou de carentan… tous ces noms de terroirs donnant aux légumes des saveurs de voyage, voire des p’tites allures de courtes poésies. Parfois des essais non réitérés : pois chiche, lentille, lin, melon, pastèque, cardon, divers maïs, cornichon, bardane japonaise. .. et à une autre fois pour l’évocation de la faune !
Lilian Carles est sosie professionnel de Michael Jackson. Il est l’un des trois sosies de la star en France à vivre de sa passion.
Pour entrer dans la peau du personnage il utilise les techniques du transformisme. Jour après jour, il répète le même rituel métamorphique face au miroir.
« Dans un premier temps effacer mes traits puis y apposer ceux de Michael, et enfin devenir un autre » voilà comment il décrit sa transformation.
Entrer dans la peau de Michael Jackson, c’est un peu devenir marionnettiste et animer un pantin. En effet, toute sa vie la star s’est évertuée à devenir une silhouette reconnaissable entre toutes. Une seule main gantée, des chaussettes blanches sous un pantalon noir et un visage qui au fil de ses métamorphoses n’a fait que tendre vers un masque. Pour devenir cet autre, Lilian passe par la précision du geste. Des gestes iconiques, proches de la pantomime. Il pense avec son corps, avec ses mains. Glisser sur le sol à l’envers, saccader les mouvements du bassin, porter sa main au chapeau, etc.
Lorsqu’on demande à Lilian la différence entre lui et un comédien il répond :
Présentez-moi un miroir, je n’y séjournerai pas. Pour en sortir je dirai ce que j’ai vu. Du moins, je vous dirai ce dont je me souviens.
Peut-être que j’aurai peur de ne pas bien tenir le rôle et que vous partiez, alors j’userai d’artifices.
Et grimé de couleurs chatoyantes, je jouerai devant vous, sans repos, facétieux, pour garder le parterre en haleine; dans une main la ruse, dans l’autre la farce, aux yeux les larmes vraies, aux lèvres un sourire moqueur, évitant de servir le spectacle de l’orgueil qui se contemple : si l’on se chante soi-même au moins soyons légers!
Et si en partant vous reconnaissez vous être amusé mais n’avoir pas vu la peau sous le fard, souvenez-vous l’adage du poète : « C’est lorsqu’il parle en son nom que l’homme est le moins lui-même. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité ».