Avant qu’il y eut un avant,
Il y eut le monde, indéfini,
Sans ombre ni lumière.
Puis furent le ciel d’étoile
et la mère de terre, tirant la ligne
qui sépare le haut du bas.
Passivement iels s’unirent,
le ciel sur la terre
et la terre sur le ciel.
Les racines prirent la terre
et les branches prirent le ciel,
Les oiseaux nagèrent
entre ciel et terre.
Ciel et terre ne portaient pas
de couleur et femmes et hommes
ne se voyaient pas.
Haut et bas étaient si proches,
Qu’hommes et femmes cueillirent des bouts de ciel pour se nourrir,
Ornèrent les grottes d’images duelles,
Peuplèrent la terre d’animaux mâles et femelles,
Et furent à l’étroit.
Alors coupant les tendons de l’étreinte du monde,
Iels séparèrent le ciel de la terre,
Et se tinrent debout.
Vinrent la distance, les couleurs,
la lumière et l’obscurité.
Debout les femmes comprirent la croissance des plantes,
Et portèrent leurs savoirs sur terre,
La terre déposa en leurs ventres les enfants,
Qui couvaient dans ses fentes, grottes et sillons.
Femmes et lune ensemble, moururent trois jours chaque mois,
Pour renaître et rendre le monde fertile,
Femmes et terre firent avec patience,
Saisons et cultures.
Le ciel projeté en l’air,
Terre et ciel ne purent plus s’unir,
Et femmes et hommes cultivèrent leurs dieux,
Pour qu’iels prennent forme terrestre,
Et oeuvrent avec eux.
La Déesse prit alors pour conjoint un taureau avec la lune entre ses cornes,
Pour faire la pluie et le tonnerre,
Ensemençant femmes et terre.
Elle s’accompagna aussi du serpent,
Avec autant d’anneaux que la lune compte de jours,
Gardien de l’immortalité
aux renaissances de ses mues.
Et de Rome jusqu’en Inde,
Les femmes firent du serpent leur plaisir et du taureau leur géniteur,
Peuplant la terre de champs et de villages.
Vint le temps des moissons, et l’on vit femmes et hommes s’asseoir.
Les hommes observant leurs animaux,
Comprirent qu’ils portaient la semence et devinrent créateur.
Gilgamesh brisa les cornes du taureau d’Innana, Déesse de l’amour,
Et Mithra et Moise firent de même.
Eve, épouse des morts et porteuse des vivants,
Prêcha l’enfer de son sifflant compagnon,
Sage serpent devenu perfide.
Le Ciel-père revint, soleil ardent et éternel,
Et forma les hommes à défricher l’ombre.
Ce fut le temps de l’histoire,
Le bronze forma les outils qui marquèrent la terre,
Les marteaux et les armes brisèrent les temples,
La faux et la hache chassèrent l’ombre ;
La lune recula avec la forêt et la terre,
Et l’Olympe prima.
Dieu le père, ne sachant n’être qu’un et ne pouvant tuer la mère, sa mère,
La fit vierge,
Et de sa transcendance retrouvée, il fit son royaume.
La terre ne fût plus fertile, père la rendrait fertile,
Et les dons de la terre devinrent dons du ciel.
Vint le temps de la raison et les mythes se réfugièrent dans l’ombre.
Le ciel et la terre ne trouvant plus le lit
de leur étreinte oisive,
Les mythes déclinèrent encore,
Et les dryades prirent refuge dans les jardins d’Artemis.
Le soleil finit par couvrir le monde de son disque,
Et hommes et femmes durent le fuir.
Cherchant leurs ombres à la lanterne de leur intelligence,
Ils ne virent ni les fleurs aux voiles d’ombre,
Ni la lune qui éclairait leurs nuits,
Ils ne virent pas non plus que chaque arbre porte ses racines au ciel,
Et ne voulurent pas voir que vie et mort s’embrassent.
Geo